Le SSTRN parle burn-out et suicide dans la presse

Publié le 28/02/2023 par EP
Burn-out et idées suicidaires vont souvent de pair
Lundi 27 février, Ouest France consacre un long article au lien entre burn-out et idées suicidaires. Un sujet construit avec la rencontre de la journaliste et des référents thématiques RPS.

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Texte intégral de l'article…

Burn-out et idées suicidaires vont souvent de pair, constate la médecine du travail à Nantes

Les médecins du travail recueillent dans la confidentialité de leur cabinet de plus en plus de paroles de salariés en souffrance. Le service de santé au travail de la région nantaise tente de faire face, en mettant en place diverses actions, notamment pour repérer la crise suicidaire.

Depuis le Covid, les services de la santé au travail de la région de Nantes, qu’on appelait la médecine du travail, ont étoffé leurs moyens d’action pour faire face à une hausse des risques psychosociaux.

Le Covid, un détonateur

On n’a pas fini d’en parler, du coronavirus. Au bureau, à l’usine, au supermarché, à l’hôpital, il a mis en évidence comme jamais la souffrance des salariés. Le service de santé au travail de la région nantaise (1), SSTRN, qu’on appelait autrefois la médecine du travail, a dû s’adapter et innover pour faire face.

« Le Covid a été un catalyseur. Cela nous a obligés à agir. Depuis une vingtaine d’années déjà, les changements d’organisation du travail incessants bousculent les salariés. Mais le Covid a créé un gros bouleversement qui n’a pas pu être anticipé », souligne Françoise Ducrot, médecin du travail et directrice des partenariats.

L’épidémie, selon ces professionnels, a joué le rôle de révélateur tout en amplifiant parfois les maux. « Une salariée que je suivais depuis plusieurs années, surmenée au travail, a plongé avec le Covid, témoigne Axelle Decoster, médecin du travail et référente sur la thématique des risques psychosociaux (RPS). Elle n’avait plus les ressources suffisantes pour gérer ce stress chronique. Après un long arrêt de travail, elle a été déclarée inapte. Elle n’a pas pu reprendre le travail dans cette entreprise. » Un exemple parmi d’autres.

Jusqu’au suicide

Les cas des salariés en souffrance sont beaucoup plus lourds qu’il y a dix, quinze ou vingt ans, relève Axelle Decoster. Les idées suicidaires frappent fréquemment les personnes en épuisement professionnel. « En général, les gens ne vont pas le dire spontanément, ils ont honte, ils peuvent culpabiliser d’avoir ces pensées-là vis-à- vis de leur entourage. » À ce moment-là, il y a urgence.

Selon Françoise Ducrot, « il faut immédiatement faire baisser cette pression émotionnelle qui gonfle et qui laisse à penser que le suicide est la seule solution ».

Quand il y a un suicide dans une entreprise, « la santé d’une bonne vingtaine de personnes est affectée avec, pour certains, un risque de passage à l’acte ».

Le travail pas bon pour la santé ?

Non, évidemment, comme le dit Frédéric Le Bihan, psychologue du travail, co-référent sur les risques psychosociaux : « Le travail n’est pas que souffrance. C’est un environnement contraignant, mais aussi un lieu plein de ressources, avec un collectif, un management et des collègues qui peuvent être sympas, une autonomie de travail. On y trouve un équilibre et une satisfaction. Mais parfois, les contraintes débordent. Si on ne trouve plus son équilibre, il y a danger. »

Au fil des consultations, il y a un élément qui revient désormais sans cesse comme un mauvais refrain : celui du sens au travail, le sentiment de ne pas avoir bien fait ou tout fait. « C’est impossible pour un salarié de finir ainsi sa journée. Sur le long cours, ce n’est pas tenable », explique Françoise Ducrot, qui pense notamment aux aides à domicile, pressées par le temps, aux aides-soignantes en sous-effectif la nuit à l’hôpital...

Des risques en hausse

Le SSTRN dit ne pas disposer de statistiques, mais des études épidémiologiques en attestent. « Il y a une augmentation importante des troubles psychosociaux, relève Frédéric Le Bihan. En France, le nombre de demandes de reconnaissance en maladie professionnelle liée à des affections psychiques est passé de 118, en 2010, à 3 260, en 2021. »

Ce sont évidemment des chiffres très en deçà du nombre de cas réels. Mais cela donne une tendance et conforte le ressenti des médecins du travail. En moyenne pour un burn- out, c’est dix-huit mois d’arrêt de travail.

Aussi, entre 2 et 3 milliards d’euros, c’est le coût social du stress au travail en France, le coût des soins et la perte de richesse pour cause d’absentéisme, de cessation d’activité et de décès prématuré, selon la Caisse primaire d’assurance maladie.

La boîte à outils de la médecine du travail

Le Covid a brutalement affecté le monde du travail, le désorganisant sans que personne n’ait pu anticiper. Les médecins du travail se sont donc retrouvés aux avants postes de ce bouleversement. Et le service de santé au travail de la région nantaise, le SSTRN, a dû faire face. Cela n’a pas été toujours simple, les équipes ont décidé à la fois de soutenir les salariés en peine et de former tous les médecins du travail et les autres professionnels de l’association.

L’une des responsables, Françoise Ducrot, se souvient que « le niveau de stress était tellement important, qu’on a proposé des entretiens individuels avec des psychologues, ce qui ne se faisait pas jusque-là ». Ce dispositif expérimental est devenu pérenne.

L’équipe a bossé tous azimuts : lancer un groupe de travail sur les risques psychosociaux, élaborer des outils pour repérer les situations de souffrance lors des consultations, pour détecter dans les entreprises les risques, imaginer des grilles d’entretien pour poser les bonnes questions. Autant d’outils qui sont aujourd’hui déployés dans l’ensemble des sites de la région.

La prévention du suicide est aussi devenue une priorité : « On a pris ça à bras-le-corps en 2021. On a déjà formé soixante-treize professionnels de santé au repérage de la crise suicidaire, quinze autres le seront bientôt. » Et c’est l’ensemble du personnel qui sera sensibilisé à cette question, y compris la secrétaire, qui reçoit le salarié en premier lieu.

Si le SSTRN a vocation à soigner les maux, il ambitionne aussi de s’attaquer aux raisons de ces souffrances.

Turn-over, absences nombreuses, visites répétées à la médecine du travail... Autant de signaux qui alertent ces professionnels, susceptibles d’intervenir dans les entreprises. « Souvent, on s’aperçoit qu’il y a un décalage entre le travail prescrit par l’employeur et la réalité. On propose des pistes, des améliorations dans l’organisation, note Françoise Ducrot. Souvent, les salariés ont des solutions, des idées. »

L’association propose tout un tas d’ateliers ou d’actions collectives. Sur le burn-out ou le harcèlement sexuel, c’est une demande des entreprises. Ceux sur les RPS, risques psychosociaux, sont pris d’assaut.

Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’un employeur inquiet pour l’un de ses salariés appelle le SSTRN. Un conseil ? Celui de Frédéric Le Bihan : ouvrir dans les boîtes des temps de discussion pour échanger sur ce qui bloque, ce qui rend le travail difficile. « Pas de baguette magique, mais un bon moyen de prévenir. »
 


(1) Les adhérents de l’association sont les employeurs qui ont la responsabilité et l’obligation d’adhérer à un service de prévention et de santé au travail et d’en supporter le coût. SSTRN (377 professionnels) suit près de 300 000 salariés dans quatorze centres de la région nantaise, Ancenis, Pornic. 25 000 employeurs sont adhérents.


 

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